Petit conservatoire de la traduction 29/09/2015 – Premiers pas de traducteurs, principe de réalité et motivations

Regards croisés d’Emmanuelle Boudy et Estelle Varenne, secrétaires de séance…

 

Les étudiants de M1 de notre groupe venaient d’Avignon, Bordeaux et Lyon et avaient suivi une licence LLCE. Nous avons d’abord répondu à leur questionnement concernant le M2 : le déroulement du concours d’entrée, le contenu des cours, le choix du stage et du livre à traduire.

Il s’agissait bien sûr de ne pas effrayer ces nouvelles recrues, tout en évitant qu’elles se retrouvent en lévitation et voient la vie en rose bonbon … Life is not a bed of roses, my dears… Bienvenue dans le monde de l’édition!

Pour s’assurer qu’un livre n’a pas déjà été traduit, il faut vérifier sur le site de la BNF, Bibliothèque Nationale de France, en indiquant le titre, le nom de l’auteur, et en lançant la recherche dans le catalogue général. Commencez votre quête du graal dès que possible… pour trouver la perle rare !

Quant au stage, petite ou grande maison, PACA ou PARIS… pas cape, y a qu’à, faut que ! Time will tell… Mais oui, il y aurait plus de débouchés dans le surtitrage actuellement ; on vous en dira plus dès qu’on en saura plus et qu’on aura décroché un stage… style ‘cartes postales du front’, et peut-être un jour, un premier contrat !

‘Les M1’ semblent déjà avoir une vision assez juste du métier et suffisamment les pieds sur terre pour envisager une sortie de secours – Help ! – du genre un emploi qui nourrit son homme en parallèle (no machismo please…), comme la traduction technique.

Puis nous avons parlé de nos diverses expériences traductives, de la traduction dite technique, rémunérée au nombre de mots, à la proposition de traductions d’œuvres littéraires à des éditeurs, plus qu’aléatoire, mais relevant d’un contrat de traduction si, par miracle, une réponse favorable devait un jour arriver sur un tapis volant…Pigs might fly…

Anyway, nous avons asséné quelques vérités ‘aux M1’, sans j’espère les assommer : nécessité de fréquenter les salons du livres, les librairies, les assises (of course), multiplier les stages… On ne vous le dira jamais assez, il faut CULTIVER SON RESEAU, damn it !!!

Décidément, on se mord la queue, life is not rosy, MAIS, ça vaut le coup de se battre pour ce qu’on veut vraiment faire dans la vie, c’est-à-dire, dans notre cas à tous, j’ai pas rêvé (?) ETRE EN SUSPENSION ENTRE DEUX LANGUES, deux cultures (euh, on est proche de la lévitation finalement et sans rien fumer), lire-traduire-écrire jusqu’à plus soif… baigner dans la littérature jusqu’à en dégouliner… puisque traduire, c’est avancer en eaux troubles, ou nager entre deux eaux avant de voir la lumière et de remonter à la surface. Et hop, une métaphore filée… / E.B

 

Le doute s’emparait de moi. Je craignais d’avoir fait une erreur en acceptant de participer à cette rencontre. Après tout, nous étions des solitaires, ayant choisi l’amour des mots plutôt que de nous mêler au monde. Pourquoi nous rencontrer ainsi, alors ? « Un partage d’expériences » m’avait-on glissé au détour d’un couloir. Je ne pouvais le nier, j’étais rongée par la curiosité. Et voilà comment j’étais arrivée là. Dans cette petite salle sombre remplie de traducteurs. Des expérimentés, des amateurs, des semi-professionnels … Il y en avait pour tous les goûts. Sans que je m’en aperçoive, je me retrouvai tout à coup mêlée à la foule. Des discussions me parvenaient de toutes les directions. Comment des gens aussi discrets avaient-ils trouvé le courage de parler à voix haute, eux qui, d’habitude, se contentaient d’écrire ? Sûrement la présence de leur alter ego. Tous, ou presque, disaient avoir eu la même formation : un cursus de lettres et langues spécialisé en anglais (LCE pour la plupart). Certains avaient d’abord tenté d’apprendre deux langues (en LEA) mais sans succès. L’anglais était leur passion. La langue pour laquelle ils auraient tout donné. Et ils étaient tous là maintenant, réunis dans cette cité moyenâgeuse pour la même raison : continuer leur formation (en master) et peut-être un jour, devenir des maîtres. Des traducteurs professionnels. Oh, bien sûr, tous savaient qu’ils n’y parviendraient peut-être pas. Les futurs traducteurs sont malins. Certains expliquaient avoir d’autres idées, en attendant de se faire des contacts, de tisser leur réseau. D’autres avouaient d’une voix triste qu’ils étaient prêts à chercher un emploi ou poursuivre une autre formation. Rien n’était trop beau pour réaliser leur rêve. Malgré le bruit, je réalisais bientôt que nous n’étions qu’une vingtaine. Comment était-ce possible ? Etait-ce dû à la sélection menée durant ces longues années d’apprentissage ? Avions-nous perdu tant des nôtres face à la dureté de notre tâche ? Pourtant, je ne voyais que rires et yeux remplis de joie autour de moi. Des paroles de réconfort allant des plus expérimentés aux plus jeunes. Des conseils fusant ici et là : lisez, lisez, lisez et lisez encore ! Ouvrez-vous à la culture ! N’hésitez pas à traduire tout ce qui vous passe sous la main dans n’importe quel domaine ! Et d’un coup, chacun se mit à parler de ce qu’il avait fait. Quelle ne fut pas ma surprise en entendant les expériences de certains ! Beaucoup avaient traduit des textes pour le plaisir de traduire, mais d’autres étaient allés plus loin. Une jeune fille avait mis la main sur des textes de traducteurs professionnels avant même qu’ils ne soient publiés et avait pu les examiner de près. Une autre avait été prise d’une telle passion pour les mots qu’elle avait traduit des langues qu’elle ne connaissait même pas et s’était acharnée jusqu’à en sortir un français impeccable. Un jeune homme s’était déjà bien lancé et traduisait des rapports de dossiers médicaux sans rechigner. Partout autour de moi, on avait traduit : des paroles de chanson, des dialogues de jeux vidéo, des articles de journaux pour associations humanitaires, des nouvelles fantastiques, des fictions écrites par des inconnus sur le net, des passages de roman, des recettes de cuisine … Tout y passait ! Comme si les traducteurs ne pouvaient pas s’en empêcher, ne pouvaient tout simplement pas s’arrêter ! C’était comme une maladie. Et pourtant, personne ne semblait triste ou blessé. A croire que … la traduction soignait leurs mots. / E.V.