Petit conservatoire de la traduction 20/10/2015, Adopte-un-traducteur.com

Cette deuxième rencontre du petit conservatoire de la traduction a eu lieu mardi 20 octobre. Les étudiants de première et de deuxième année du Master Traduction se sont retrouvés à Cami-Li Books & Tea – un changement de décor plus propice à la discussion. Comme l’indique l’intitulé de cette rencontre, adopte-un-traducteur.com, tous sont venus avec, en tête, un traducteur de leur choix.

C’est donc un mardi soir, la nuit tombée, que nous nous retrouvons devant la librairie anglophile. Beaucoup rentrent s’installer et se réchauffer, tandis que d’autres, arrêtés par la vitrine et les bacs emplis de livres, parcourent du regard les tranches et les couvertures. A l’intérieur, nous sommes accueillis chaleureusement par Camille, la propriétaire, qui nous invite à nous installer.

Les premières discussions sont hésitantes : on partage nos expériences de master, nos angoisses linguistiques, et nos peurs du couperet affuté de la correction. On discute textes, matières, professeurs. Camille, ancienne étudiante du master, se joint à la discussion entre deux services de thé. La thématique de la soirée reprend peu à peu le dessus ; on parle de nos premiers souvenirs de lecture qui se révèlent être, pour la majorité, des ouvrages traduits. On peine cependant à se remémorer le nom des traducteurs – il semble y avoir dans ce domaine un certain problème.

Les histoires se recoupent, beaucoup ont lu les mêmes auteurs, et incidemment les mêmes traducteurs. Une voix s’élève, puis deux, dans le vacarme grandissant d’un enthousiasme partagé.

Au fil des discussions, ce manque de visibilité des traducteurs devient plus apparent. Lors de leurs recherches, beaucoup n’ont trouvé que peu d’informations, récoltées précieusement sur les pages wikipedia des traducteurs ou sur leurs sites personnels ; leur biographie en est très souvent absente, et les maigres informations prennent généralement la forme d’une liste d’ouvrages traduits.

On cite des traducteurs à droite, à gauche, chacun différent du précédent : ici, un traducteur de polars. Là, un traducteur de science-fiction. Beaucoup traduisent de l’anglais, bien que certains se distinguent par la rareté de leur langue source – Antoine Chalvin, notamment, qui traduit depuis l’estonien. Certains ne revendiquent pas plus que ça leur activité de traduction, tels Patrick Couton, qui se définit avant tout comme un musicien. Denis Savine, lui, avoue être tombé « par hasard » dans la traduction au détour de sa passion pour le jeu de rôle.

Beaucoup d’entre nous ont adopté leur traducteur par hasard, ou par défaut : celui qui apparaît sur la couverture – et encore, pour les plus chanceux – de notre lecture la plus récente. Il devient indéniable, au fil des conversations, que le traducteur est, dans la plupart des cas, un travailleur de l’ombre.

Mais cela ne nous décourage pas pour autant.

Corentin Riaucourt

 

Un élément qui est ressorti durant la dernière séance du petit conservatoire de la traduction est la difficulté de trouver des informations sur le traducteur même. L’on trouve facilement ses publications, mais peu de choses sur sa vie personnelle ou son parcours, le traducteur ne bénéficie donc pas d’une grande visibilité, reste en retrait.

Une deuxième tendance qui s’est dégagée est que le traducteur a souvent une activité annexe, il peut être professeur, romancier ou bien poète; et seul l’un des traducteurs (Nadine Gassie, qui a notamment traduit les œuvres de Stephen King) présentés vivait entièrement de la traduction.

Le manque d’information sur le traducteur entraîne aussi un manque d’information sur la façon dont ils traduisent. Parmi tous les traducteurs cités, seuls trois expliquaient leur méthode: Patrick Couton, connu pour avoir traduit les livres de Terry Pratchett, déclare qu’il n’a « pas de méthode précise » ; qu’il se  » jette dans un bouquin et advienne que pourra. J’essaye quand même de me renseigner sur le roman et l’auteur au moyen d’internet. » Le second, Guillaume Fournier, qui traduit principalement de la science fiction et de la littérature jeunesse, explique lire le livre et prendre des notes, et redouter les séries de livres car un choix fait peut se voir infirmé ou évoluer dans un volume postérieur. Il remarque aussi « qu’il y a toujours une part d’adaptation, mais qu’elle doit rester la plus mince possible ».

Enfin, on a pu constater une certaine diversité des langues traduites. Si la plupart des traducteurs présentés traduisaient depuis l’anglais, d’autres langues ont été abordées. Il y a par exemple Jean-Pierre Minaudier, qui traduit depuis l’Estonien (il a traduit L’homme qui savait la langue des serpents, de Andrus Kivirähk) et est un des rares traducteurs à travailler sur cette langue, ou Denis E. Savine, traducteur d’origine russe et qui a traduit la série de livres Metro 2033 et Metro 2034 de Dmitry Glukhosvky, ou encore Patrick Guelpa, traducteur depuis l’islandais du Livre du roi d’Arnaldur Indridason.

La conclusion de cette séance est somme toute banale: le traducteur est comme d’habitude peu mis en avant, peu de choses les concernant sont connues, y compris leur méthode de travail. La traduction reste un travail de l’ombre aux rouages méconnus et le traducteur une figure presque « transparente ». Cependant au vu de la diversité des profils et des langues présentés, on est bien obligé de reconnaître l’importance du traducteur dans la production culturelle, et si possible les remercier de nous ouvrir de nouveaux horizons qui jusque là se refusaient à nous .

Emeric Obin

Petit conservatoire de la traduction 29/09/2015 – Premiers pas de traducteurs, principe de réalité et motivations

Regards croisés d’Emmanuelle Boudy et Estelle Varenne, secrétaires de séance…

 

Les étudiants de M1 de notre groupe venaient d’Avignon, Bordeaux et Lyon et avaient suivi une licence LLCE. Nous avons d’abord répondu à leur questionnement concernant le M2 : le déroulement du concours d’entrée, le contenu des cours, le choix du stage et du livre à traduire.

Il s’agissait bien sûr de ne pas effrayer ces nouvelles recrues, tout en évitant qu’elles se retrouvent en lévitation et voient la vie en rose bonbon … Life is not a bed of roses, my dears… Bienvenue dans le monde de l’édition!

Pour s’assurer qu’un livre n’a pas déjà été traduit, il faut vérifier sur le site de la BNF, Bibliothèque Nationale de France, en indiquant le titre, le nom de l’auteur, et en lançant la recherche dans le catalogue général. Commencez votre quête du graal dès que possible… pour trouver la perle rare !

Quant au stage, petite ou grande maison, PACA ou PARIS… pas cape, y a qu’à, faut que ! Time will tell… Mais oui, il y aurait plus de débouchés dans le surtitrage actuellement ; on vous en dira plus dès qu’on en saura plus et qu’on aura décroché un stage… style ‘cartes postales du front’, et peut-être un jour, un premier contrat !

‘Les M1’ semblent déjà avoir une vision assez juste du métier et suffisamment les pieds sur terre pour envisager une sortie de secours – Help ! – du genre un emploi qui nourrit son homme en parallèle (no machismo please…), comme la traduction technique.

Puis nous avons parlé de nos diverses expériences traductives, de la traduction dite technique, rémunérée au nombre de mots, à la proposition de traductions d’œuvres littéraires à des éditeurs, plus qu’aléatoire, mais relevant d’un contrat de traduction si, par miracle, une réponse favorable devait un jour arriver sur un tapis volant…Pigs might fly…

Anyway, nous avons asséné quelques vérités ‘aux M1’, sans j’espère les assommer : nécessité de fréquenter les salons du livres, les librairies, les assises (of course), multiplier les stages… On ne vous le dira jamais assez, il faut CULTIVER SON RESEAU, damn it !!!

Décidément, on se mord la queue, life is not rosy, MAIS, ça vaut le coup de se battre pour ce qu’on veut vraiment faire dans la vie, c’est-à-dire, dans notre cas à tous, j’ai pas rêvé (?) ETRE EN SUSPENSION ENTRE DEUX LANGUES, deux cultures (euh, on est proche de la lévitation finalement et sans rien fumer), lire-traduire-écrire jusqu’à plus soif… baigner dans la littérature jusqu’à en dégouliner… puisque traduire, c’est avancer en eaux troubles, ou nager entre deux eaux avant de voir la lumière et de remonter à la surface. Et hop, une métaphore filée… / E.B

 

Le doute s’emparait de moi. Je craignais d’avoir fait une erreur en acceptant de participer à cette rencontre. Après tout, nous étions des solitaires, ayant choisi l’amour des mots plutôt que de nous mêler au monde. Pourquoi nous rencontrer ainsi, alors ? « Un partage d’expériences » m’avait-on glissé au détour d’un couloir. Je ne pouvais le nier, j’étais rongée par la curiosité. Et voilà comment j’étais arrivée là. Dans cette petite salle sombre remplie de traducteurs. Des expérimentés, des amateurs, des semi-professionnels … Il y en avait pour tous les goûts. Sans que je m’en aperçoive, je me retrouvai tout à coup mêlée à la foule. Des discussions me parvenaient de toutes les directions. Comment des gens aussi discrets avaient-ils trouvé le courage de parler à voix haute, eux qui, d’habitude, se contentaient d’écrire ? Sûrement la présence de leur alter ego. Tous, ou presque, disaient avoir eu la même formation : un cursus de lettres et langues spécialisé en anglais (LCE pour la plupart). Certains avaient d’abord tenté d’apprendre deux langues (en LEA) mais sans succès. L’anglais était leur passion. La langue pour laquelle ils auraient tout donné. Et ils étaient tous là maintenant, réunis dans cette cité moyenâgeuse pour la même raison : continuer leur formation (en master) et peut-être un jour, devenir des maîtres. Des traducteurs professionnels. Oh, bien sûr, tous savaient qu’ils n’y parviendraient peut-être pas. Les futurs traducteurs sont malins. Certains expliquaient avoir d’autres idées, en attendant de se faire des contacts, de tisser leur réseau. D’autres avouaient d’une voix triste qu’ils étaient prêts à chercher un emploi ou poursuivre une autre formation. Rien n’était trop beau pour réaliser leur rêve. Malgré le bruit, je réalisais bientôt que nous n’étions qu’une vingtaine. Comment était-ce possible ? Etait-ce dû à la sélection menée durant ces longues années d’apprentissage ? Avions-nous perdu tant des nôtres face à la dureté de notre tâche ? Pourtant, je ne voyais que rires et yeux remplis de joie autour de moi. Des paroles de réconfort allant des plus expérimentés aux plus jeunes. Des conseils fusant ici et là : lisez, lisez, lisez et lisez encore ! Ouvrez-vous à la culture ! N’hésitez pas à traduire tout ce qui vous passe sous la main dans n’importe quel domaine ! Et d’un coup, chacun se mit à parler de ce qu’il avait fait. Quelle ne fut pas ma surprise en entendant les expériences de certains ! Beaucoup avaient traduit des textes pour le plaisir de traduire, mais d’autres étaient allés plus loin. Une jeune fille avait mis la main sur des textes de traducteurs professionnels avant même qu’ils ne soient publiés et avait pu les examiner de près. Une autre avait été prise d’une telle passion pour les mots qu’elle avait traduit des langues qu’elle ne connaissait même pas et s’était acharnée jusqu’à en sortir un français impeccable. Un jeune homme s’était déjà bien lancé et traduisait des rapports de dossiers médicaux sans rechigner. Partout autour de moi, on avait traduit : des paroles de chanson, des dialogues de jeux vidéo, des articles de journaux pour associations humanitaires, des nouvelles fantastiques, des fictions écrites par des inconnus sur le net, des passages de roman, des recettes de cuisine … Tout y passait ! Comme si les traducteurs ne pouvaient pas s’en empêcher, ne pouvaient tout simplement pas s’arrêter ! C’était comme une maladie. Et pourtant, personne ne semblait triste ou blessé. A croire que … la traduction soignait leurs mots. / E.V.

 

Le Petit Conservatoire de la Traduction

Le Petit Conservatoire de la Traduction est un espace d’échange et de partage de l’expérience destiné aux étudiants du master, les anciens comme les nouveaux, les M1 comme les M2. Une fois par mois, nous vous proposons de vous réunir autour d’un thème, en dehors de la présence systématique des enseignants (!! ce qui ne nous empêche pas de rendre quelques visites de courtoisie…) non pas pour faire la fête mais pour vous permettre de commencer à constituer un réseau et optimiser, comme on dit, vos relations avec le monde professionnel. Comment trouver un stage, proposer un projet à un éditeur, le dialogue avec d’anciens étudiants qui sont passés par là vous sera certainement utile.

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