Comment pénétrer le milieu hermétique de l’édition quand on est étudiante en master traduction littéraire ? Peut-être par petites touches successives, sans relâche… assister aux salons du livre, aux Assises de la traduction, fréquenter les librairies, se rendre visible tout en glanant des informations, bref ‘montrer qu’on existe’. Tiens, ça me fait penser au projet de l’ATLF « Les beaux noms des traducteurs » ! Ou comment faire sortir le traducteur de l’anonymat ?
A part quelques maisons d’édition comme Actes Sud dans sa collection Babel, il est encore rare que le nom du traducteur figure en couverture… « C’est pas beau ! » Ah bon ? Je dirais qu’on peut toujours choisir un pseudo… si on a un nom à coucher dehors, non ? Nom de nom de nom d’un chien ! Rappelons ce principe de base : la traduction permet le partage des cultures, depuis que l’homme communique ; elle est donc indispensable.
La librairie la plus proche de mon domicile se trouve à 20 km, soit une petite demi-heure de route. C’est ce qui s’appelle vivre à la campagne. Il ne faut reculer devant rien pour participer au projet de l’ATLF, « les beaux noms des traducteurs » … Dans le courant de l’automne, j’ai commencé à fréquenter « La Balançoire », librairie située à Crest dans la Drôme, et gérée par Fanny Loukas depuis 2006. Cet espace convivial accueille un fonds important de livres jeunesse, de BD, mangas, livres pratiques, récits, polars, ouvrages de poésie et de littérature de tous les coins du monde.
Quand j’ai parlé à Fanny du projet de l’ATLF, qui consiste à dresser un état des lieux de la visibilité des traducteurs/trices, en photographiant dans les vitrines des libraires les livres en couverture desquels figure le nom de la traductrice ou du traducteur, celle-ci m’a tout de suite proposé de réaliser une vitrine spéciale « littérature traduite ».
Au fil des rencontres, nous avons choisi les œuvres qui pourraient trouver leur place dans sa vitrine : littérature générale, poésie … albums de tous horizons, ainsi que des livres de référence sur la traduction. Sans oublier de saupoudrer le tout avec des citations de traductrices et traducteurs réputés afin d’illustrer l’importance de la traduction, la difficulté et la beauté de cette activité.
En effet, sans traduction nous ne pourrions accéder aux œuvres étrangères (à moins bien sûr de parler une multitude de langues), et les non francophones ne pourraient pas découvrir notre littérature. La traduction permet les échanges entre les peuples et les cultures du monde entier, elle évite l’uniformité et l’hégémonie d’une langue unique ; elle élargit notre conscience et nous ouvre à d’autres façons de penser.
Pour être complet sur ce projet et pour la petite histoire, la jeune stagiaire de la Balançoire a également mis la main à la pâte : elle s’appelle Mathilde et est atteinte de dyspraxie. Grâce à Fanny et à son équipe, cette librairie est un lieu de culture et d’échanges, ouvert sur le monde, ouvert à « l’autre ». Dorénavant à la Balançoire, les questions liées à la traduction trouvent un écho ; un ouvrage de référence y est aussi disponible dans son fonds et en vitrine : Dire presque la même chose, d’Umberto Eco. (Rime totalement involontaire !)
Emmanuelle Boudy , le 01/03/2015